Si la question concerne la Creuse, la réponse est valable pour le département de l’Indre et répond aux interrogations du monde agricole.

Question écrite n° 13042 de M. Jean-Jacques Lozach (Creuse – SOC)
publiée dans le JO Sénat du 11/09/2014 – page 2039
M. Jean-Jacques Lozach attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la possible désignation de communes du département de la Creuse en tant que zone vulnérable à la pollution par les nitrates d’origine agricole, dans le cadre de la mise en œuvre de la directive européenne 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.
Le 21 décembre 2012, la cinquième campagne de mesures de la qualité des eaux a conduit le préfet coordonnateur de bassin Loire-Bretagne à classer par arrêté le territoire des trois communes de Folles, Saint-Amand-Magnazeix et Saint-Hilaire-la-Treille, situées en Haute-Vienne et limitrophes du département de la Creuse, en « zone vulnérable aux pollutions par les nitrates d’origine agricole ».
En raison de ce classement, les exploitations agricoles, situées dans la Creuse, possédant un ou plusieurs bâtiments d’élevage et/ou cultivant une ou plusieurs parcelles sur une de ces trois communes étaient désormais concernées par la mise en œuvre d’un programme d’action « nitrates » constitué de huit mesures. Du fait de dépassements limités et très modérés des taux en nitrates, dans une région par ailleurs concernée alors pour la première fois par cette directive européenne, les mesures qui s’appliquaient correspondaient aux seules prescriptions nationales.
Depuis l’été, quarante communes de la Creuse, essentiellement du nord de ce département, sont concernées par un projet de révision de la délimitation des zones vulnérables en France, projet qui aboutirait au classement de 3 800 communes supplémentaires. La chambre d’agriculture de la Creuse et la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) estiment que cette mesure imposerait des contraintes fortes et injustement pénalisantes pour les agriculteurs. En effet, le classement de communes creusoises est perçu comme disproportionné et non fondé. Il doit être soumis à consultation à l’automne et être tranché d’ici à la fin de l’année 2014. Il lui demande de faire part des éléments précis (taux de nitrates) qui ont justifié le projet d’extension du zonage dans la Creuse et, dans l’hypothèse de sa validation totale ou partielle, d’indiquer les mesures d’accompagnement et d’aide qui seront alors mises en œuvre en direction des exploitations impactées.

Réponse du Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
publiée dans le JO Sénat du 16/10/2014 – page 2343
La lutte contre la pollution diffuse par les nitrates est un enjeu important qui s’inscrit dans un contexte de double contentieux communautaire. La France a été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 13 juin 2013 sur l’insuffisance de délimitation de ses zones vulnérables. Le deuxième contentieux, pour lequel la France a également été assignée devant la CJUE, porte sur l’insuffisance des programmes d’actions qui s’appliquent à ces zones. S’agissant du contentieux relatif aux zones vulnérables, la révision du classement des zones vulnérables de 2012 répondait en partie aux insuffisances constatées dans l’arrêt de la CJUE du 13 juin 2013. Toutefois, certaines règles utilisées pour cette délimitation sont toujours contestées par la Commission européenne, et pourraient mener très rapidement à une condamnation en manquement sur manquement avec sanctions financières, si cette affaire devait à nouveau être portée devant la CJUE. Une nouvelle révision des zones vulnérables, visant à répondre à ces critiques, est donc nécessaire. Un projet de révision, construit au niveau national à partir de données fournies par les bassins, a ainsi été soumis à la Commission à l’été 2014. Il propose : – le classement des communes concernées par les masses d’eau ayant des points de surveillance en dépassement des seuils de concentration usuels, avec des classements partiels des masses d’eau souterraines s’ils sont justifiés par les caractéristiques hydrogéologiques de la masse d’eau ; – l’utilisation d’un seuil unique de concentration en nitrates des eaux superficielles au-delà duquel la masse d’eau est proposée au classement, afin de tenir compte à la fois de l’eutrophisation littorale et marine et de l’eutrophisation continentale. La valeur du seuil a été retenue en cohérence avec les valeurs utilisées par les bassins pour la prise en compte de l’eutrophisation littorale et marine pour le classement de 2012. Il est proposé d’appliquer ces règles sur l’ensemble du territoire national qui n’était pas classé en zone vulnérable. Le projet de révision ainsi soumis à la Commission vise à clore le contentieux, et donc à éviter de lourdes sanctions financières (amende d’environ 20 M€ et astreintes mensuelles estimées à 3,5 M€). Le Gouvernement est conscient du fort impact sur le secteur agricole, et en particulier pour l’élevage, de cette proposition de révision des zones vulnérables. C’est pourquoi, il a également porté au niveau européen la nécessité d’accompagner les exploitations concernées (information, formation, accompagnement à la mise en œuvre des bonnes pratiques de gestion de l’azote fixées par les programmes d’actions nitrate…). Pour la mise aux normes des capacités de stockage des effluents de leurs exploitations, les éleveurs, qui ont déjà fait beaucoup d’efforts, bénéficieront des aides maximales possibles au regard des règles communautaires. En accord avec les régions, le fonds européen agricole pour le développement rural pourra être mobilisé en complément des crédits publics (État, collectivités, agences de l’eau), dans le cadre des programmes de développement rural régionaux. Les délais de mise en œuvre des mesures seront discutés avec la Commission. La procédure de révision du classement se déroule dans un calendrier resserré, pour aboutir d’ici la fin de l’année 2014. Elle ne peut souffrir d’aucun retard, sous peine d’une relance de la procédure contentieuse. Toutefois, le Gouvernement a demandé que la consultation, sous l’égide des préfets de bassin soit menée de la manière la plus ouverte possible. Des modifications du zonage pourront ainsi être retenues, à condition qu’elles soient scientifiquement étayées et donc pleinement justifiables auprès de la Commission européenne. Dans le même temps, une expertise scientifique va être lancée afin d’établir une synthèse des connaissances disponibles sur les phénomènes d’eutrophisation des eaux (description du phénomène, causes…). Au-delà de la délimitation des zones vulnérables, se pose la question du contenu des mesures à mettre en œuvre dans les programmes d’actions « nitrates » qui s’appliquent dans ces zones. Ainsi dans le cadre de la seconde procédure contentieuse, relative à l’insuffisance des programmes d’actions, la France s’est engagée depuis le début de l’année 2010 dans une vaste réforme de son dispositif réglementaire « nitrates ». Cette réforme a été menée en concertation étroite avec la profession agricole, en s’appuyant sur une approche agronomique. La publication de l’arrêté du 23 octobre 2013 a permis de disposer d’un programme d’actions national complet et en vigueur depuis le 1er novembre 2013 dans les zones vulnérables délimitées en 2012. La réforme est pleinement opérationnelle depuis l’adoption et l’entrée en vigueur des programmes d’actions régionaux intervenue au printemps et à l’été 2014. Dans le cadre de ce deuxième contentieux, la CJUE a prononcé un arrêt en manquement pour mauvaise application de la directive « nitrates » à l’encontre de la France le 4 septembre dernier. La CJUE a considéré que les programmes d’action qui s’appliquaient dans les zones vulnérables entre 2009 et 2012 étaient insuffisamment rigoureux au regard des exigences de la directive. Cette condamnation porte donc sur l’ancienne génération de programmes d’actions. La plupart des sujets soulevés dans le jugement de la Cour de Justice ont déjà été corrigés dans le nouveau dispositif réglementaire (périodes d’interdiction d’épandage, précision de la réglementation sur le calcul de la dose prévisionnelle, mode de calcul des capacités de stockage, normes de rejets d’azote pour les bovins et les porcins). Sur certains points sensibles (modalités de stockage des fumiers compacts au champ, épandage sur les sols en forte pente…), la France échangera avec la nouvelle Commission européenne sur les évolutions attendues, en veillant à concilier performance économique des exploitations agricoles et respect des exigences environnementales. Cet exercice sera conduit en cohérence avec celui prévu pour l’extension des zones vulnérables.