Le Grenelle prévoyait de limiter les capacités d’enfouissement et d’incinération à 60 % des déchets produits sur un territoire. Un engagement, inscrit dans la loi Grenelle 2, qui semble avoir été abandonné dans le décret d’applicatio

Le 12 juillet 2011, le gouvernement publiait au Journal officiel un décret relatif à la prévention et à la gestion des déchets traduisant plusieurs dispositions issues de la directive cadre sur les déchets et de la loi Grenelle 2.
Les 23 pages du document devaient traduire notamment l’objectif de limitation des capacités d’enfouissement ou d’incinération à 60 % du volume des déchets collectés sur un département (la région pour l’Île-de-France). Un objectif qui a été vidé d’une partie de sa substance dans le décret rédigé par le ministère de l’Ecologie.
Limiter les capacités d’incinération et d’enfouissement
À l’origine, l’article 194 de la loi Grenelle 2 “fixe une limite aux capacités annuelles d’incinération et d’enfouissement de déchets ultimes, en fonction des objectifs

[de tri et de prévention à la source des déchets,] cohérente avec l’objectif d’un dimensionnement des outils de traitement des déchets par stockage ou incinération correspondant à 60 % au plus des déchets produits sur le territoire.”

“Il s’agit là d’un objectif flou dont on ne sait pas quelle est l’origine exacte”, explique Sébastien Lapeyre, directeur du Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid), précisant que “les déchets pris en compte ne sont pas connus.” De fait de l’absence d’information précise sur les volumes de déchets d’activités économiques, l’application et le contrôle du respect de la mesure semblaient délicats.

Cependant, “l’esprit de la mesure se voulait incitatif malgré un objectif chiffré peu ambitieux et discutable : les capacités d’incinération ou d’enfouissement prévues dans le cadre des futurs plans de prévention et de gestion des déchets non dangereux ne pourront excéder 60 % du tonnage des déchets collectés estimé, quitte à réduire les capacités existantes si nécessaire”, rappelle le directeur du Cniid.

Maintien des capacités excédentaires

Le projet de décret, qui a fait l’objet de consultations bilatérales puis d’une consultation ouverte à toutes les parties prenantes, maintenait cet objectif. Il stipulait que “la capacité annuelle d’incinération et de stockage des déchets non dangereux non inertes cumulée ne peut être supérieure à 60 % des déchets non dangereux produits sur le territoire du plan.” Une formulation qui a été largement modifiée dans le décret publié.

En effet, la version finale propose à l’article 10 un long paragraphe alambiqué prévoyant des dérogations à la règle générale. En premier lieu, la limite prévue par le Grenelle 2 reste valable “sauf dans le cas où le cumul des capacités des installations d’incinération et de stockage de déchets non dangereux en exploitation ou faisant l’objet d’une demande d’autorisation d’exploiter […] est supérieur à cette limite de 60 %.” Finalement, les territoires ne respectant pas la limite fixée par le Grenelle peuvent maintenir leurs capacités excédentaires.

“Au plan juridique, la capacité d’enfouissement ou d’incinération est un droit acquis et ne peut être remise en cause que si le fonctionnement de l’installation, à sa capacité maximale autorisée, génère des impacts environnementaux et sanitaires qui ne peuvent pas être prévenus”, explique Eric Gaucher, adjoint au chef du Bureau de planification et de la gestion des déchets (BPGD) du ministère, ajoutant que “les plans départementaux de prévention et de gestion des déchets non dangereux n’ont donc aucune légitimité pour contraindre les droits acquis des exploitants disposant d’une autorisation préfectorale acquise régulièrement.”

Effectivement, la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), stipule qu’un Préfet ne peut imposer de nouvelles conditions à une installation que pour des motifs limités, comme par exemple la protection du voisinage, la santé, la salubrité publique, la proctection de l’environnement ou la conservation des sites.

Cependant, pour Sébastien Lapeyre, “ce ne sont pas des raisons juridiques qui justifient un tel recul par rapport à l’objectif initial, mais probablement des négociations avec différents acteurs du secteur.” En effet, des préfets ont déjà révisé à la baisse des autorisations, explique le directeur du Cniid.

Circonstances exceptionnelles

Par ailleurs, lorsque la limite des 60 % est dépassée, le décret introduit aussi une possibilité d’accroître la taille des exutoires si le territoire peut justifier de “circonstances particulières.”

“Les exceptions couvertes par les ‘circonstances exceptionnelles’ sont destinées à gérer les situations de crise qui pourraient résulter soit d’un arrêt prolongé d’une installation de traitement (compostage, méthanisation, tri), soit d’une catastrophe naturelle générant une quantité de déchets nécessitant momentanément un accroissement de la capacité de stockage”, précise Eric Gaucher.

Enfin, la Corse et les territoires d’Outre-Mer bénéficient d’une disposition particulière que relève à 85 % le seuil des 60 %. “Si la question du relèvement du seuil mérite d’être posée pour les collectivités ultramarines, rien ne justifie un tel seuil pour la Corse”, déplore Sébastien Lapeyre.
Philippe Collet
Actu-Environnement du 20/07/2011