Un an après le lancement d’un plan de soutien à l’apiculture, la production française de miel a encore baissé en 2013, les professionnels accusant de nouveau certains pesticides mais aussi le mauvais temps.

«En 2013, la production française s’avère très faible et inférieure à 15.000 tonnes, encore en recul par rapport à 2012», a indiqué Henri Clément, porte-parole de l’Union nationale des apiculteurs français, en soulignant que des «conditions climatiques très mauvaises (froid, pluie)» étaient venues «s’ajouter aux problèmes d’intoxication».
Avec un nombre de ruches presqu’égal (de 1,25 à 1,3 million), la production de miel a été plus de deux fois moins importante en 2013 qu’en 1995, date de début d’utilisation de certains pesticides, dont les néonicotinoïdes, met en avant l’Unaf.
Le syndicat d’apiculteurs professionnels, qui bataille depuis des années contre l’utilisation de pesticides sur les cultures pollinisées par les abeilles, a de nouveau sonné la charge contre plusieurs produits dont ceux contenant les molécules de thiaclopride (Protéus, Sonido) et d’acétamipride (Suprême).
Ils réclament leur interdiction par la France et demandent à l’Europe de revoir l’évaluation de leur toxicité.
«Ces deux substances néonicotinoïdes présentent les mêmes modes d’actions que ceux récemment suspendus» par l’Union européenne, explique l’Unaf. Et leurs évaluations présentent les carences similaires à celles ayant conduit à l’interdiction, ajoute l’organisation professionnelle.
Au printemps dernier, Bruxelles a interdit pour deux ans et sur certaines cultures trois substances actives (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) appartenant à la famille des néonicotinoïdes en raison de leur rôle dans la mortalité accrue des abeilles (environ 30% du cheptel par an).
Jean-Marc Bonmantin, chercheur au CNRS à Orléans, spécialiste des produits neurotoxiques, a fait état mardi de travaux montrant que «la toxicité chronique de l’acétamipride et du thiaclopride est similaire aux néonicotinoïdes bannis» par Bruxelles.
Pour lui, «les différentes molécules de la famille des néonicotinoïdes sont très proches et il n’est pas très judicieux d’en avoir interdit seulement trois».

Sonnette d’alarme
Les molécules provisoirement interdites par Bruxelles sont présentes dans des pesticides (Gaucho, Cruiser, Poncho, etc.) fabriqués par Bayer ou Syngenta, qui ont contesté en justice l’interdiction.
L’Union européenne a également interdit pour deux ans l’insecticide Fipronil sur les semences de maïs et de tournesol.
La France avait pris les devants en bannissant le Fipronil dès 2005, le Cruiser sur le colza (2012) et le Gaucho (sur tournesol en 1999 et sur maïs en 2004).
Si la responsabilité de certains pesticides dans la surmortalité des abeilles est aujourd’hui scientifiquement confirmée, il y a d’autres facteurs qui y contribuent: des parasites comme le Varoa, le frelon asiatique ou la perte de diversité des cultures.
Les apiculteurs ne contestent pas cet aspect multifactoriel mais soutiennent que les pesticides en sont la principale cause.
«Le problème des pesticides est le problème des apiculteurs dans le monde entier, en France mais aussi chez nos voisins européens, en Argentine, aux Etats-Unis», a affirmé Henri Clément pour qui «il y a d’autres types de problèmes, mais celui des pesticides est essentiel dans la hiérarchie des causes».
L’Unaf a d’ailleurs déploré que le frelon asiatique ait été classé nuisible en catégorie 2, ce qui n’implique pas une lutte obligatoire coordonnée par l’administration.
Henri Clément s’est aussi élevé contre la volonté du ministère de l’Agriculture d’assouplir les dérogations à l’interdiction de traiter les cultures en période de floraison. «Nous attendons avec impatience l’avis de l’Anses (agence sanitaire) à ce sujet», a-t-il dit.
Concernant le «plan de développement durable de l’apiculture» annoncé il y a un an, l’Unaf appelle à «être réaliste».
«L’objectif d’installer 2 à 300 nouveaux apiculteurs par an est ambitieux, mais il faut une cohérence et créer un environnement favorable aux abeilles en retirant des pesticides sinon les jeunes vont aller au delà de déconvenues», estime Henri Clément.