En ce début de période de vacances, les décrets d’application du Grenelle de l’environnement fleurissent dans le Journal officiel. Le 12 juillet est paru un imposant texte « portant diverses dispositions relatives à la prévention et à la gestion des déchets ». Retour sur les dispositions les plus significatives de ce texte, et celles qui auraient dû y figurer.
«Chaque année, les Français génèrent 245 millions de tonnes de déchets de chantiers de bâtiment et de travaux publics, 89 millions de tonnes de déchets non minéraux non dangereux (déchets ménagers, industriels et tertiaires ordinaires) et plus d’un million de tonne de biodéchets professionnels (alimentaires et végétaux)», rappelle le ministère en charge de l’écologie dans un communiqué du 12 juillet.
Afin de gérer ces déchets spécifiques, le droit français s’est doté d’un arsenal qu’il était nécessaire d’enrichir, notamment pour transposer la directive-cadre sur les déchets du 19 novembre 2008. Une première étape a été franchie avec l’adoption d’une ordonnance le 19 décembre 2010. Le principe de la « hiérarchie des déchets » est désormais consacré et s’impose à tout producteur. Il s’agit de gérer les déchets en privilégiant, autant que faire se peut, la prévention, puis la réutilisation, le recyclage, la valorisation (notamment énergétique), et enfin l’élimination.
La transposition est désormais achevée par la publication du décret du 12 juillet 2011. Bien que très détaillé, il reprend pour l’essentiel les dispositions fixées par la loi Grenelle II, donc déjà connues.

« Pour les déchets dangereux, rien ne change vraiment. C’est surtout pour les déchets non dangereux que la législation a évolué avec le Grenelle », analyse Thierry Gallois, avocat associé au cabinet Racine. En effet, le texte modifie les plans départementaux de prévention et de gestion de ces déchets non dangereux. Il précise que la capacité des installations de stockage et d’incinération sera limitée à 60 % du tonnage de déchets non dangereux produit dans chaque département. «C’est maintenant officiellement opposable aux créations d’installations d’incinération ou de stockage des déchets, ainsi qu’aux extensions que les exploitants pourraient demander», poursuit Thierry Gallois.

L’accent est donc mis sur la prévention, afin d’éviter que les décharges se remplissent. Parallèlement, le texte renforce les objectifs et les indicateurs sur le recyclage et la valorisation.

A relever également, les nouvelles règles de gestion des biodéchets. Ce terme recouvre déchets biodégradables de jardin ou de parc, alimentaires ou de cuisine, ou encore provenant des usines de transformation de denrées alimentaires (voir le Livre vert sur la gestion des biodéchets dans l’Union européenne publié par la Commission européenne en décembre 2008). Le décret considère comme étant composés majoritairement de biodéchets, «les déchets dans lesquels la masse de biodéchets représente plus de 50% de la masse de déchets considérés, une fois exclus les déchets d’emballages». Le texte définit les modalités de tri et de collecte séparée pour les producteurs professionnels de biodéchets qui produisent plus de 60 litres d’huiles usagées ou 10 tonnes de biodéchets par an. Cette obligation rentrera en vigueur progressivement entre 2012 et 2016.

« L’obligation pour les producteurs de biodéchets et d’huiles alimentaires usagées de procéder à une collecte sélective permettra aux filières de valorisation des déchets de disposer d’un gisement de matières premières de plus en plus important. C’est un signal fort en faveur des biocarburants issus des déchets, qui permettent de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, tout en limitant nos émissions de CO2», a déclaré Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre en charge de l’écologie, à l’occasion d’une visite le 12 juillet à l’usine de Limay de SARP Industries. Cette filiale dugroupe Veolia a développé un procédé innovant pour transformer les huiles alimentaires usagées, collectées séparément, en biocarburant.

En ce qui concerne les déchets issus des chantiers de bâtiment et de travaux publics, le décret spécifie de manière plus précise le contenu, l’élaboration, le suivi et l’évaluation des nouveaux plans départementaux de prévention et de gestion de ces déchets, qui seront élaborés par les conseils généraux. «Désormais, le régime des centres qui gèrent ces déchets de chantier et les déchets inertes s’aligne sur celui des déchets ménagers, pour davantage de protection de l’environnement», explique Thierry Gallois. Selon l’Ademe, les déchets du BTP représentaient 359 millions de tonnes en 2008, dont 3 millions de tonnes de déchets dangereux.
Exhaustif, en apparence, ce texte présente néanmoins quelques lacunes, estime Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement au cabinet Huglo-Lepage. C’est le cas notamment du principe de réversibilité des déchets. L’article L. 541-25 du Code de l’environnement prévoit en effet que «l’étude d’impact d’une installation de stockage de déchets indique les techniques envisageables destinées à permettre une éventuelle reprise des déchets dans le cas où aucune autre technique ne peut être mise en œuvre».

Ce principe, destiné à évacuer les décharges pour libérer de l’espace, reste aujourd’hui lettre morte. «Une disposition d’application aurait été la bienvenue pour indiquer de quelle manière les déchets peuvent être repris, mais l’Etat reste très frileux sur la réversibilité », se désole Arnaud Gossement. Cet article avait fait l’objet d’un contentieux. Une ordonnance du 8 septembre 2005 l’avait annulé, mais France nature environnement (FNE) avait demandé au Conseil d’Etat d’intervenir pour le rétablir dans le code de l’environnement. La fédération d’association avait fini par obtenir gain de cause dans une décision du 13 juillet 2006.
Autre lacune : la loi Grenelle I a fixé comme objectif une baisse de 7% de la production de déchets ménagers par an. « On ne retrouve pas de déclinaison de ce principe, territoire par territoire », regrette l’ancien porte-parole de FNE.
JDLE du 13/07/11